Depuis quelques semaines, pour faire face à la charge de travail de fin d’année, je travaille la nuit, de chez moi ou dans les hôtels. C’est le lot commun des prestataires de services, les charettes, comme on les appelle pour faire genre on est trop occupés. Il faut croire que les clients craignent tous un espèce de big bang annuel, que le MONDE s’effondrera comme les seins de ma grande-tante, si le rapport n°487 n’est pas validé par le comité de pilotage avant le 31 décembre. Ils m’emmerdent globalement. Le prestataire est encore et toujours ce fusible bien confortable, celui qu’on fait griller tranquillement quand on veut faire baisser la tension dans ses propres équipes (« tiens mes équipes n’en branlent pas une / tiens mon DG me fait chier, je vais communiquer mon stress au consultant, après tout je le paie aussi pour ça. Et en plus je suis sûr qu’il gagne super bien sa vie, lui« ).
Moi quand je suis stressée, je me masturbe (idée pour une prochaine reco ?). C’est autrement plus sain. Bref.
Alors je sais que travailler la nuit n’est pas une solution.
Que je devrais mieux gérer. Déléguer. Dire non. Certes. C’est ce que j’entends dans les formations au management dont la feurme m’abreuve régulièrement (cadre stressé oui, mais cadre formé !). C’est génial ces formations. Déjà, tu manges bien (aux pauses, à midi, un vrai petit gorret), tu es avec plein de collègues que tu connais pas (mais comment est ce que c’est possible que ce couillon et moi bossions dans la même entreprise !), et surtout, tu en sors remontée comme un coucou. Mais ouiiii, il a raison le formateur. Faut que je dise non, poliment mais fermement. Faut pas que je communique mon stress. Faut / faut pas, tu as une liste de préconisations longue comme le bras, tu sens que tu vas être au top du management, que l’épanouissement corporate est à portée de ta petite main potelée (c’est une licence poétique, j’ai pas du tout les mains potelées, elles sont longues et fines). Mais en vrai, ça tient 20 secondes.
Lundi, le client t’appelle, en gros il te fait comprendre que tes 168 pages il a pas le temps de les lire, son supérieur non plus, et que ça serait finalement fort sympathique si tu pouvais expliquer la même chose, mais en 30 pages. Ah oué. J’y avais pas pensé tiens. Parce que les choses elles s’expliquent toutes seules, c’est bien connu, et qu’il y a sans doute un vice caché, toutes ces pages, elles sont pas toutes faites pour être lues. Genre le consultant c’est Balzac, il croit fermement qu’il est payé à la page. Et tous ces graphiques, ça doit être pour mettre de la couleur autour du texte, sans doute ? Mais bon, la journée, tu as d’autres clients, tu es en réunion. Et sinon tu es au bureau, tu reçois des appels, tes collaborateurs veulent te voir, le contrôleur de gestion veut que tu remplisses des matrices. Tu n’as jamais la paix.
Alors finalement, tu goûtes presque ces petites heures grises, seule devant ton PC, avoir l’occasion de REFLECHIR, raconter quelque chose d’intelligent, prendre le temps de construire un raisonnement. La maison est silencieuse, tu entends même en te concentrant la respiration de ceux que tu aimes (tout ça pour dire avec un peu de poésie que l’Epoux ronfle !).
Sauf bien entendu quand ton PC te fait une petite blagounette des familles, autour de minuit quarante-cinq.
Mon dieu, « mékeskecé » ? comme me dit mon fils depuis 3 mois non stop (je suppose que c’est le nécessaire corollaire à « mépourkoi » ?
Là tu deviens aussi bleue que l’écran, et tu te demandes si tu viens de perdre 3 heures de taff (en fait non, juste la dernière demi-heure, on a eu trop peur).
Bon, VDM quand même.