Demain sort le film de Fincher sur la « saga » Facebook (le terme de saga me fait toujours rire employé comme cela, je m’attends toujours à voir sortir du bois Stéphane Bern et ses bouclettes pour nous entretenir des hémorroïdes de la Reine d’Angleterre), que je compte bien aller voir (ce qui porterait mon capital ciné du mois à 3, autant dire que je suis assez follement ambitieuse ces temps ci).
Parce que j’aime bien généralement ce que fait Fincher.
(Parce que y’a Justiiiiin dedans.)
Parce que quoi que l’on en pense, on ne peux pas nier que FB fasse partie d’une révolution sociale planétaire qui nous a tous impactés. On a les révolutions qu’on mérite …
Et parce que je veux connaître l’histoire du mec qui tout en étant plein aux as continue de porter des claquettes de piscine au boulot (ce qui est quand même la grole masculine plus débandante que je connaisse).
(Un jour, je vous montrerais, j’ai fait un roman photo dont le « personnage » principal est une paire de claquettes de piscine. Je suis une artiste.)

FB je m’y suis inscrite en 2007, quasiment en même temps que Twitter ou presque. Avec une différence majeure, puisque je suis sur FB sous mon identité « réelle », alors que je suis sous Twitter en tant que blogueuse (bonjour le statut glorieux). Amusant au passage de voir qu’en 2007, je disais me servir très peu de Twitter, alors que j’y publie désormais des choses passionnantes quasiment quotidiennement. Par contre, sur FB, ça n’a pas changé d’un iota. Je reste relativement méfiante vis à vis de l’outil : j’accepte peu de monde (surtout quand je ne les connais pas IRL), je m’inscris pas ou peu à des « clubs », refuse les applis, surtout celles qui permettent la localisation, je privatise tout ce que je peux, et j’y publie peu d’infos / de photos des miens et de moi.
Je sais bien que cette « méfiance » vis à vis de FB peut sembler paradoxale de ma part, puisque je m’affiche sur la toile, plus ou moins habillée (il paraît), ici ou ailleurs. Sans parler de soin particulier portée à ma e-réputation, il reste que je suis (aussi) épouse, mère, employée et employeur, et que je reste soucieuse de rendre mes deux « mondes« , le virtuel et le réel, relativement imperméables. (Merci aux geeks parmi mon lectorat de m’épargner leurs enquêtes en mode gogo-gadget, oui je sais, quelques recherches un peu poussées peuvent me rendre identifiable sur la toile y compris sur ce blog. J’assume tout de même mes publications – d’un strict point de vue légal – et je ne vais pas non plus ouvrir une domiciliation bancaire aux îles Caïman pour payer mon obole annuelle à ces sangsues d’OVH.)
Quand je fais passer un entretien de recrutement (et j’adore ça), je suis la première à passer le prénom+nom du candidat sous Google / FB pour essayer d’en savoir un peu plus (et ces petits saligauds de candidats en font de même). Pas tant pour chercher la faille que pour humaniser des candidats qui veulent souvent à priori se faire passer pour des über-mensch dans leurs profils (CV / LM). Généralement, je ne trouve d’ailleurs rien de bien compromettant, car je pense que ceux qui sont en recherche d’emploi sont assez aguerris pour ne pas se griller en laissant des photos d’eux en train de nager dans leur vomi en fin de soirée (et après tout, nager dans son vomi, ça arrive malencontreusement à des gens très bien, l’Epoux me surnomme d’ailleurs Jimmy Hendrix).
Par contre, quitte à passer pour une vieille réac (ce que je commence sans doute à être), je suis assez effarée de voir, en particulier chez les ados (j’ai en « cas pratique » une ribambelle de cousins qui ont entre 12 et 17 ans, et qui m’ont acceptée comme amie sur FB, les inconscients) le manque de précautions concernant les usages sociaux du ouèbe. Et encore, à eux on peut leur trouver en excuse leur jeune âge et inconscience. Car il en va de même pour pas mal de 18 / 25, voire des comportement étonnamment puérils chez les 25 / 35 ans. Que l’on puisse livrer, sous sa véritable identité, au vu et au su de ses proches, de sa famille notamment, mais aussi de ses collègues d’école, de fac ou de travail des anecdotes (« j’ai pas fait caca ce matin alors que j’ai poussé très fort » / « ma prof de franssé est une conasse, LOL« ), états d’âmes petits (« je crois que je vais m’acheter l’iPhone 4« ) et grands (« trop in love de Kévin, il faut vite ke je fasse gicler cette Brenda », « je pendrais bien ma belle-mère avec les tripes de mon beau-frère ») ou règlements de comptes explicites (« que le crevard de voisin qui a emprunté mon vélo se dénonce immédiatement« ), ça me troue (toutes les phrases entre guillemets sont quasi authentiques).
(Je vous expose aussi la « théorie du complot » par l’Epoux, qui pense que sur FB, des voleurs potentiels repèrent les gens qui annoncent leur départ en vacances, pour aller ensuite piller leur domicile en toute tranquillité.)
Au-delà des risques pris, matériels et relationnels (la presse se fait volontiers l’écho amplifié de gamins harcelés sur FB, ou qui se suicident suite à publication de photos / vidéos compromettantes), il y a aussi dans le flux continu et un peu lassant des « fils d’actu » sur FB un côté assez pathétique d’exhibition d’un quotidien pas toujours palpitant, avec l’impression que certains s’astreignent presque à un « been there, done that » (je n’arrive pas à traduire correctement cette phrase) systématique.
Je comprends que venant de ma part, qui fait aussi oeuvre d’exhibition et d’étalage plus ou moins régulier de (une partie de) ma vie ici-même, l’observation puisse se retourner contre moi. Oui mais non. Je ne suis pas ici en tant que Sabrina, mais en tant que Sasa, ce qui change la donne (au moins de mon point de vue). Cela demande une certaine schizophrénie, mais je ne suis pas que ce que vous voyez ici, et je ne suis pas toujours ailleurs ce que vous voyez ici non plus (cette phrase est lumineuse). D’ailleurs, je rabroue volontiers les quelques proches (ils sont une minorité, et ils s’améliorent avec le temps) qui confondent mon blog avec un canal d’info sur mon quotidien. Surtout, la grande différence à mon sens est le travail d’écriture. Je ne me contente pas de nodules en 140 caractères sur Twitter, et ne me satisfait donc pas non plus du caractère lapidaire et illustratif de FB. Le blog est un espace d’écriture, de prise de recul, et l’intimité que l’on y révèle (ou que l’on travestit) y est scénarisée, réécrite, et donc ainsi transformée. C’est d’ailleurs pour le plaisir de lire des quotidiens revus sous une plume habile / rigolarde / émouvante que je lis (trop) de blogs. Et à côté d’eux, les pages FB me semblent bien fades et creuses.
La BA de « The social network« , demain en salles donc.