J’ai découvert via un billet de Koztoujours qu’un débat législatif, était en cours concernant les DPN (diagnostics pré nataux) et leurs conséquences. (Attention, billet hyper fun à suivre.)
Pour ceux qui ignorent les joies connexes à la fabrication d’un enfant (parce qu’il suffisait de semer la petite graine pour ensuite regarder son ventre pousser pendant 9 mois, la vie serait belle), il faut savoir qu’être enceinte en France conduit à être plus suivie médicalement que Contador pendant un Tour de France. On peut le regretter, être contre, personnellement, j’applique de longue date la stratégie dite de l’imbécile (c’est une appellation non homologuée hein). A savoir que je pars du principe que je suis incompétente en matière médicale. C’est relativement avéré comme axiome : j’ai arrêté les sciences nat en fin de 3ème, et j’aurais du mal à expliquer précisément le cycle menstruel de la femme (allez y, balancez les cailloux). En conséquence de quoi je consulte le corps médical quand le besoin s’en fait sentir (là par exemple, j’emmène la marmaille demain chez le médecin, on est tous malades, saloperie d’hiver qui n’en finit pas), et dans le cadre des suivis qui me sont proposés (grossesses, suivi pédiatrique, gynécologique, …), je me conforme à ce que les médecins me recommandent / me prescrivent. Je ne m’interdis pas quelques questionnements tout de même (imbécile certes, mais pas complètement teubée non plus), histoire parfois de savoir pourquoi tous ces vaccins par série de douze entre 3 et 36 mois, ces examens dispendieux (à quoi ça sert / comment ça marche / cékiki paie), mais globalement, je suis jamais dans des positions de refus, et moins encore de discussion doctrinaire. Je ne passe pas des heures sur des sites à comparer les vertus de tels ou tels traitements sur la base d’avis d’internautes hautement qualifiés (« pas besoin d’aller voir ton gygy, pour ton infection urinaire, arrose toi la foune de coca cola, ça assainit tout, je te jure, ma cousine le fait, ça lui sert aussi de contraception« ), je ne prends pas 12 avis médicaux (et de toutes manières, que je le demande ou non, la Reine Mère me donnera le sien, d’avis, et c’est bien connu, ELLE SAIT). Je me « contente » de choisir des praticiens suffisamment empathiques et pédagogues (c’est déjà une sacrée gageure), et roule ma poule (voir les bons conseils de La Peste et de Daria pour choisir un gynéco, le meilleur ami de la femme).
Au cours du 1er trimestre de grossesse, parmi la myriade de tests obligatoires, il y en a un qui est FACULTATIF. Il permet, sur la base d’une analyse sanguine (et de la prise en compte de facteurs poids / âge …), de calculer la probabilité que votre foetus soit porteur d’une trisomie 21. C’est le DPN le plus couramment proposé, en dehors de ceux qui pourront être déclenchés du fait de pathologies héréditaires présentes dans votre environnement familial (là on est tranquille, à part le syndrome Berthe aux grands pieds, et une tendance à l’alcoolisme mondain après 21 ans, on est en bonne santé par chez nous). Sur la base de ce résultat (qui n’est qu’une probabilité donc, et pas du tout une détermination avérée), il sera éventuellement possible de procéder à des analyses plus poussées, à savoir une amniocentèse (prélèvement de liquide amniotique, examen qui représente un risque assez significatif de fausse couche), pour établir avec certitude le caryotype du foetus, et savoir s’il est normalement doté d’un point de vue chromosomique. Ou pas. Cet examen est systématiquement proposé après 37 ans (l’âge étant un des principaux facteurs de risque), et dépend donc de votre volonté avant cet âge (canonique du point de vue gynécologique), et donc des résultats du calcul de probabilité.
En 2007, je m’étais soumise à ce test, avec « succès », puisque conformément à mon (jeune) âge, le test avait donné un risque de 1 / 2000 de donner naissance à un enfant trisomique. Je n’avais pas donc eu à subir une amniocentèse (on la pratique généralement quand le risque est supérieur à 1 / 150 ou 1 / 200). En septembre 2010, pour ma 2ème grossesse, on m’a également proposé ce test, et je m’y suis à nouveau soumis. Sauf que. Sauf que cette fois le test est revenu avec une probabilité de 1 / 83. Ce qui est très élevé. Anormalement. Et justifiait que je puisse prendre la décision de me soumettre à un examen plus approfondi. BOUM, j’ai envie de dire. C’est alors que je me suis confrontée aux limites de la pédagogie et de l’empathie de mon praticien. Qui s’est certes fendu d’un coup de fil (plutôt que d’envoyer son assistante). Mais qui a expédié l’affaire en moins de 3 minutes. Cette conversation de septembre dernier, je crois que je peux la restituer, mot pour mot.
Lui : « Mme Laloute, Votre test trisomie 21 est revenu avec un taux de probabilité fort. »
Moi : « Ah. De beaucoup ? »
L : » 1 / 83. Vous devriez être autour de 1 / 600 maximum. »
M : « Oh. »
L : « On pratique une amniocentèse, le x/09 si vous êtes disponible au matin, vous venez à l’hôpital »
M : « Ah. Et que me recommandez vous ? »
L : « Ben si on a fait le test, autant aller jusqu’au bout maintenant. »
M : « D’accord. A vendredi alors docteur. »
L : « Au revoir. »
C’était un lundi, et ça m’a laissé sans voix.
Le vendredi, jour de la rentrée scolaire de l’Héritier, j’allais me faire prélever un peu de liquide amniotique (3 à 5% de risque de fausse couche, j’ai signé la décharge). Petit truc en plus qui a rendu la démarche encore plus glauque, le prélèvement s’est fait dans une salle de travail de la maternité. Là où d’autres étaient en train de donner la vie, j’allais faire des analyses qui me permettraient peut être de ne pas la donner. Très pénible. Très.
Il a fallu quasiment un mois pour obtenir les résultats fermes, qui ont confirmé la présence d’un « embryon sans anomalie chromosomique décelable ». Un TRES LONG mois de septembre, pendant lequel il a été bien difficile de vivre cette grossesse sereinement, suspendue par cette lourde épée de Damoclès, et alors même que je commençais à sentir la Dauphine bouger. Car pour nous, comme pour la majorité des couples dans ce cas, si j’en crois les sources de Koztoujours, la décision était prise par avance, par principe, avant même de nous soumettre aux premières analyses : nous n’aurions pas poursuivi une grossesse avec un foetus atteint de trisomie. C’est à la fois simple et compliqué comme postulat. Dans tous les cas, c’est une décision difficile à prendre, et je suis rétrospectivement très heureuse de ne pas avoir eu à la prendre.
Pour autant, quand j’ai découvert via Koztoujours les termes du débat en cours à l’Assemblée Nationale, j’ai été moi aussi choquée par cette proposition de rendre systématique l’élimination des embryons « anormaux ». Pour d’autres raisons que celles citées dans l’article, parce que je suis LOIN de partager les thèses et croyances des « pro vie », et je considère comme particulièrement sectaires les militants de structures comme la Fédération Jérôme Lejeune. Mais parce que je pense qu’il y a des limites à la stratégie de l’imbécile, et que chaque couple devrait pouvoir choisir en connaissance de cause s’il veut donner naissance, élever et assumer un enfant trisomique. Sans agiter l’épouvantail facile de l’eugénisme, il ne fait pas de doute que nous évoluons de plus en plus dans une société qui voudrait tendre au risque zéro et au zéro défaut, et appliqué aux naissances, ça fait rapidement penser à « Bienvenue à Gattaca ». Dans le cadre du suivi d’une grossesse, tout est examiné à la loupe (paraît il même que nous ferions trop subir d’échographies aux foetus au cours des grossesses), et le moindre accroc dans les courbes, les moyennes et les écarts types attendus est l’objet d’avertissements et de précautions anxiogènes. C’est souvent là que l’intermédiation (empathie / pédagogie, j’y reviens) du praticien est fondamentale. Et quand celle ci vous fait défaut, vous vous retrouvez comme une conne à pleurer toutes les larmes de votre corps devant des résultats médicaux abscons, que vous avez reçu sous enveloppe anodine et sans explications adjointes dans votre boîte aux lettres. Alors qu’en fait, avec quelques explications humaines et bienveillantes, l’épreuve aurait été franchie sans trop de pathos.
Je reste une bonne imbécile, convaincue que la médecine est un progrès dont je bénéficie (par exemple, la PERIDURALE, c’est un peu ce qui a été inventé de mieux depuis le gode-ceinture), mais tout de même, il faudrait voir à ce qu’elle ne devienne pas toute puissante et inhumaine.Donc une prochaine fois, gygy de mon coeur, ton amnio, tu prendras un peu de pincettes pour me la balancer à la tronche (j’ose pas imaginer l’accompagnement psy s’il avait fallu interrompre cette grossesse). En te remerciant.