Il n’y a pas très longtemps, j’ai été sollicitée par une jeune maman, qui se posait des questions sur son retour au travail post congé maternité. Elle m’a contacté moi, me disait elle, car entre tous les blogs tenus par des mères (elle a bien choisi son vocabulaire, car si elle m’avait affublé du macaron « blog de maman », autant dire que je grimpais au baobab) qu’elle lisait, elle avait l’impression de toujours voir (à mon exception près donc) des mères qui avaient choisi de renoncer à leur activité professionnelle, ou du moins de la mettre en veilleuse, au bénéfice de l’enfant. Pour sa part, elle était un peu perdue, tiraillée entre le désir de faire le mieux pour son enfant, son épanouissement personnel, sa vie professionnelle présente et future, et l’anticipation qu’elle avait que compte tenu de son emploi actuel (peu motivant, pas très bien payé), son « désir d’emploi » serait sans doute faible. Et que ça l’inquiétait, cet équilibre à construire, entre injonctions diverses et variées, et nécessairement culpabilisatrices. Ce sujet, de l’équilibre vie privée / vie professionnelle, pour qui me lit et me connaît, me concerne bien sûr et surtout me passionne. Et ce que je vois ou lis autour de moi ne lasse pas de m’inquiéter parfois. J’en profite donc pour essayer d’apporter ma pierre. Mon caillou dans la chaussure tout au moins.
Règle n°1 : s’écouter. Il y aura toujours 10 personnes pour te donner 10 avis différents. Mais sur des choses aussi cruciales, il faut savoir écouter sa petite musique intérieure, et la combiner avec celle de son compagnon en parentalité (le PAPA), histoire de ne pas non plus aller dans deux sens contraire (je la fais courte, un mariage sur deux fini par un divorce, et l’arrivée d’un enfant fait office de gros gros catalyseur, il est donc vital de COMMUNIQUER sur les attentes de chacun sur la gestion post partum du gnome). D’ailleurs, s’il y a UN AVIS à prendre, c’est bien celui dont on partage la vie, plutôt que celui des copines (ou blogueuses !) plus ou moins bien intentionnées, et marquées chacune par un vécu qui a ses limites (tout au moins en termes de reproductibilité). Parce qu’il y a des hommes qui rêvent d’une femme au foyer pour le bien de leur cher enfant, alors que d’autres sont profondément angoissés par la perspective d’assumer seuls la responsabilité du maintien économique et financier du foyer. Il faut prendre en considération les attentes des hommes (si si), et ne pas les laisser otages de nos arbitrages, c’est la moindre des choses.
(C’est beau ce que je dis non ?)
Une fois cela dit, ce qui suit est MON AVIS. Il n’est pas universel, ne se veut pas comme tel. Mais je crois qu’il est effectivement intéressant que des femmes disent autre chose que « c’est tellement génial de passer ses journées à s’occuper de son enfant plutôt que de bosser pour un patron ingrat et radin » (pour ce 2ème problème, il y a une autre solution > changer de job, mais c’est un autre débat).
Règle n°2 : ne JAMAIS arrêter toute activité professionnelle. J’ai eu beau examiner le sujet sous tous les angles, c’est une question de survie à mon sens. Je crois en avoir parlé précédemment ici, dans un monde idéal, le congé maternité durerait 1 an, pourrait se partager avec le père, et tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Faute de cela, il faut reprendre, trop tôt certes, son activité professionnelle. Ecoutez vos mères (pour une fois qu’elles sont intéressantes sur un sujet :p), regardez autour de vous ces témoignages de femmes qui se sont retrouvées seules à élever des enfants après des séparations, déclassées professionnellement, devant reprendre une activité dans un monde du travail exigeant et sans pitié (expliquer les X années d’interruption dans le CV, se rendre compte qu’on est plus à jour dans le secteur où l’on bosse, réaliser que des plus jeunes et mieux formés visent le même poste sans autant d’exigences salariales ni de contraintes horaires liées aux enfants, etc.).
Sans attendre le pire, la vie est ainsi faite qu’à 3 ans, l’enfant prend le chemin de l’école. Si tu es au foyer, tu passeras une partie de tes journées à gérer les entrées / sorties / repas du midi car la cantine te sera refusée (puisque tu bosses pas, feignasse). C’est un rythme (pour l’avoir pratiqué pendant mon 2ème congé maternité) épuisant et ingrat, chronométré à la minute, où toute ton attention est focalisée sur la logistique, et finalement assez peu sur ta relation à l’enfant. C’est simple, à 17h30, c’est déjà le burn out (quand tu en as plus d’un, évidemment). Bonjour l’épanouissement (franchement, je grossis à peine le trait.)
(Comme si c’était mon genre, en plus, l’exagération.)
Il y a bien sûr le congé parental, la courte pause d’un an, qui permet d’amener son enfant un peu plus loin dans l’autonomie. C’est effectivement idéal (surtout pour le premier, parce qu’ensuite, on l’a compris, ça se gâte), si tu peux te permettre de toucher moins de 500 euros par mois pendant cette durée, et si tu as la garantie de retrouver ton poste initial. C’est souvent sur ce second point, de par ce que je vois autour de moi, que le bât blesse. Ca reste donc une opération risquée.
Je sais que ma position peut paraître radicale, mais sans être une accro à mon job (loin s’en faut, je râle suffisamment ici), il faut savoir reconnaître les bienfaits d’une vie qui se construit autour plusieurs axes d’équilibre plutôt qu’un seul. Je ne pense pas que la vie au foyer et l’amour de ses enfants et de son mari soient des axes de développement qui se suffisent à eux mêmes. Nécessaires sans doute (et les célibataires volontaires et autres « no kids » auront un tout autre avis) mais pas suffisants. Parce que les enfants doivent être élevés dans le sens de leur autonomie (et pas celui de l’épanouissement de leur mère, ce que certaines perdent de vue) et que les maris sont ce qu’ils sont (à savoir qu’ils peuvent ne plus vous placer au centre de tout, et c’est l’évolution normale de beaucoup d’histoires de couples, quand ils ne s’arrêtent pas de vous aimer). L’occupation d’un emploi n’est pas une fin en soi, car je sais que beaucoup peuvent occuper des jobs ni très bien payés ni très épanouissants, mais ils sont une porte ouverte sur le monde, sur la socialisation, le monde extérieur, et c’est à mon sens vital de garder un pied, même à temps partiel, même en mettant un frein sur l’ascension verticale.
Règle n°3 : de même que l’occupation d’un emploi n’est pas une fin en soi, l’élevage d’un (ou plusieurs) enfants NON PLUS. C’est là je crois la partie la plus importante de mon message, jeune maman. Ta vie ne sera pas que tes enfants. Du moins je ne te le recommande / ne te le souhaite pas. La génération de nos mères et surtout de nos grands mères s’est beaucoup inscrite dans ce schéma. Vous les entendez dire « ma plus belle réussite, ce sont mes enfants« . C’est un message à la fois très émouvant, mais aussi terriblement anxiogène je trouve, pour les dits enfants. Si on est ce qu’il y a de mieux pour sa mère, qu’est ce qu’elle va penser si / on rate son bac / on prend du poids / on vole un oeuf / on vole un boeuf (rayer les mentions inutiles) ? Je pense sincèrement que c’est un poids que l’on n’a pas le droit d’imposer à ses enfants. Une vie est courte, certes, elle peut pour autant se remplir de plein de belles choses, et parmi ces choses il peut y avoir des enfants. Ou pas.
Quand je pars en déplacement, comme ces jours ci, ils me manquent, mes petits amours. J’arrose l’Epoux, ou les grands parents qui les prennent en charge, de messages, je veux des nouvelles, des photos, je veux connaître ce qu’ils ont mangé, et est ce qu’ils ont fait de beaux cacas. J’ai le plaisir de les retrouver, de les reconquérir s’ils boudent un peu. Je lutte avec ma culpabilité, celle qui malgré moi me susurre à l’oreille que je ne suis pas une bonne mère car je ne leur consacre pas assez de temps, que je donne trop à mon travail. Je lutte parce que c’est un préjugé, une construction sociale et sociétale archaïque à mon sens, et qui pour autant, même chez moi, a encore la vie dure. Tes enfants s’épanouissent sans toi, hors de toi, même tous petits, et c’est tant mieux. Bien sûr que tu leur est essentielle, et que tu leur manquerais terriblement si tu venais à disparaître de la circulation. Mais tu ne peux pas leur imposer ce rôle par trop encombrant et terriblement lourd d’être le pilier de ton existence. C’est du moins ce que je crois.
Bonne chance à toi ma belle 😉
(et à toutes les autres)
PS : quelques blogs et sites qui traitent de la conciliation vie privée / vie pro, et de la vie de mère :
:: En aparté, avec un article sur les mères de famille nombreuses qui bossent, et donne des chiffres (finalement rassurants) sur le taux d’emploi des mères de familles nombreuses (+ de 70% des mères de 3 enfants et + bossent),
:: Maman travaille
:: Les mamans testent
:: Un témoignage que j’ai trouvé émouvant de Madame (ex Maman) Sioux sur cette délicate question de l’équilibre entre vie pro et perso,
:: Mère Bordel, qui en parle aussi régulièrement (et dont l’interrogation de base est dans le titre du blog :)),
:: Histoire de nombrils, qui a fait un arbitrage différent du mien, et donc intéressante à cet égard,
:: Mummy Active, qui a arrêté de travailler, et qui est aussi partagée.
:: Doudette parle d’arbitrage aussi ici, je découvre son blog grâce à touitteur.
Addendum : effectivement, je n’ai pas parlé de la solution que j’ai moi même mis en place. J’ai un congé parental à 80%, c’est à dire que je ne travaille pas un vendredi sur deux environ et une partie des vacances scolaires. Les vendredi c’est pour bibi, et les vacances scolaires pour mes enfants. Gagner moins, mais travailler moins, et avoir un peu plus de temps pour soi et les siens.